Comment commencer un historique sur le Black Metal sans mentionner Venom ?
Si on peut dater les début du Black Metal tel que nous l'entendons aujourd'hui aux débuts des années 90, il faut d'abord  remonter jusqu'en 1979, année où Conrad Lant, Jeff Dunn et Tony Bray, trois anglais de Newcastle, s'inventent les pseudos de Cronos, Mantas et Abaddon et forment Venom. Ils jouent ce qu'on appelle encore à l'époque du Speed Metal. Particularité, ils utilisent, plus pour se faire remarquer et créer une polémique que par véritable croyance, de nombreux symboles satanistes. Après leur album de 1981, "Welcome To Hell", ils sortent en 1982 un album dont la pochette représente une magnifique tête de bouc. Cet album est intitulé "Black Metal". Le terme vient pour la première fois d'être inventé, l'histoire peut commencer...

Parallèlement, King Diamond découvre la "Satanic Bible" d'Anton La Vey, réalise que le Satanisme "moderne" exprime exactement sa façon de voir la vie, et décide alors de fonder son propre groupe, Mercyful Fate, influencé par Black Sabbath et Deep Purple. King Diamond est le premier artiste à se déclarer ouvertement comme Sataniste, non seulement dans ses textes (le fameux "Nuns Have No Fun" sur le premier album de Mercyful Fate) et dans son look de scène (il se maquille à la manière de Kiss, avec un crucifix inversé peint sur le visage), mais également dans sa vie privée et sa philosophie personnelle.

Mais les choses sérieuses commencent lorsque le jeune Suédois Pug Rogefeldt, âgé de 15 ans, se surnomme Quorthon et fonde Bathory, en référence à  Erzebeth Bathory, fameuse Comtesse Hongroise du 18e siècle qui avait pour habitude de prendre des bains dans du sang de jeunes vierges afin de préserver éternellement sa jeunesse ! Quorthon aura sans aucun doute aussi été influencé par le titre "Countess Bathory" sur l'album "Black Metal" de Venom (décidément...). Il réussit à convaincre la maison de disque chez qui il effectuait un stage d'écouter un morceau de sa composition, très inspiré de la "New Wave Of British Heavy Metal" qui fait rage à l'époque, mais avec un son épouvantable dû au manque flagrant de moyens.

La maison de disque se laisse tout de même convaincre par le talent du jeune homme, et le fait figurer sur sa compilation "Scandinavian Metal Attack" de 1983, qui obtient un succès d'estime essentiellement grâce au titre de Bathory

Quorthon enregistre alors son premier album, auto-titré "Bathory", qui sortira en 1984 sur un petit label, "Black Mark Records". Le style musical reste le même, un son très brut, très agressif, dû en grande partie au fait que l'album a été enregistré pour 200 $ sur un petit 12-pistes, et en moins de quatre jours ! Qu'importe, Bathory et ce style musical commencent à regrouper un noyau dur de fans autour d'eux.

Parallèlement, le milieu des années 80 voit l'apparition aux USA de groupes qui se veulent l'équivalent américain de Venom, satanistes et blasphémateurs à souhait (notamment les albums "Haunting The Chapel" ou "Hell Awaits" de Slayer, et le "Seven Churches" de Possessed). Après être passés par une époque "cuir, chaînes et clous" en référence à Venom (une des premières photos promos de Slayer  les montre sacrifiant à Satan une pauvre créature blonde ensanglantée), ils mélangent des inspirations Punk et Hardocre et adoptent un look beaucoup plus "streetwear" pour se différencier de leurs références d'origine et fonder ce qui deviendra le Thrash Metal. Des groupes comme Anthrax, M.O.D, Metallica ou Sodom s'engouffrent alors dans la brèche. Mais le Thrash commence à prendre rapidement trop d'importance, les majors signent les groupes à tour de bras, certains d'entre eux se dirigeant dangereusement vers le rap (Anthrax notamment), et le Thrash y perd son âme, ses fans, et finalement son existence.

Le milieu underground apportera alors sa réponse à la dérive du Trash : le Death Metal.
Parti simultanément des USA (en Floride) et de l'Europe (en Suède), avec des groupes comme Death (considéré par beaucoup comme le fondateur du mouvement), Napalm Death, Carcass, Morbid Angel, Obituary ou Cannibal Corpse, le Death trouve ses lettres de noblesse : des guitares toujours aussi saturées, une voix d'outre-tombe, des paroles tournant autour de la mort, des mutilations, d'extraits d'autopsie, et surtout une volonté farouche de rester underground et de ne pas tomber dans les dérives du Thrash.

Dernière référence incontournable,  c'est dans les années 80 qu'un Suisse nommé Thomas Fischer prend le pseudo de Tom G. Warrior et fonde son propre groupe de Death Metal, Hammerhead, qu'il renomme ensuite Hellhammer. Hellhammer choisit aussi de donner de l'importance à son look, puisque tous les membres du groupe se maquillent le visage, un peu à la manière de Kiss ou de  Mercyful Fate, mais avec un côté plus cadavérique que clown de cirque. Là aussi, l'imagerie sataniste est très présente, avec des titres de démos tels que "Satanic Rites" et autres joyeusetés du même acabit. Hellhammer deviendra par la suite (en 1984) Celtic Frost.

Mais la reconnaissance officielle viendra de Norvège lorsque le guitariste Oystein Aarseth prend le pseudo de Destructor,  et fonde Mayhem en 1984.

Ayant recruté Messiah (chant), Necrobutcher (basse), Manheim (batterie), Aarseth se renomme finalement Euronymous (le Prince des Morts), et ils commencent à donner quelques concerts en à Oslo en 1985 où ils reprennent des titres de Venom, Bathory et Celtic Frost.

Messiah est vite remplacé par Maniac au chant et ils sortent durant l'été 1986 leur première démo, devenue totalement culte aujourd'hui, "Pure Fucking Armageddon". Cette démo n'a été éditée qu'à 100 exemplaires numérotés. Musicalement, ils poussent le Death Metal dans ses derniers retranchements, avec des guitares plus rapides, et un son très brutal et primitif. Ils définissent d'ailleurs leur style à l'époque comme du "Total Death Metal".
Inspirés par Venom, Celtic Frost mais surtout Sarcofago (un groupe de Death Brésilien qui n'avait sorti qu'un album, mais par qui Euronymous était fasciné), ils veulent absolument se différencier du look "jogging-baskets" des groupes de Death Américains et Suédois, et revêtent donc cuir, pointes métalliques et maquillage cadavérique (le fameux "corpsepaint"). La philosophie sataniste commence également à occuper une place importante dans l'esprit d'Euronymous.

Parallèlement, sur la côte Ouest de la Norvège (dans la ville de Bergen), Christian Vikernes (qui fera changer son prénom en "Varg" pour montrer son rejet de la tradition Chrétienne) monte sous le pseudo de Count Grishnackh sa propre formation, Uruk-Hai (un terme inspiré de la mythologie du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien). 

Troisième figure emblématique de la "préhistoire" du Black Metal, Jon Kristiansen, originaire de Sarpsborg (une petite ville près d'Oslo) et fondateur sous le nom de Metalion de "Slayer Magazine". "Slayer" est un fanzine se consacrant au Death Metal, au Metal Extrême sous toutes ses formes, et au Satanisme, et considéré ni plus ni moins comme la Bible de tout le milieu underground Norvégien de l'époque. Metalion et Euronymous se rencontrent à un concert de Mayhem, et commencent à sympathiser, Metalion écrivant alors des articles sur Mayhem dans son magazine "Slayer".

En 1986 et 1987, trois autres groupes de Death Metal très importants pour notre histoire se forment en Norvège : Black Death d'abord, fondé par le batteur Gylve Nagell (alias Fenriz) ; Morbid ensuite, qui sort une démo intitulée "December Moon" ; et Old Funeral enfin, fondé par Olve Eikemo (chant et basse) et Tore Bratseth (guitare). 

En 1987, alors que sort le 3e album de Bathory ("Under The Sign Of The Black Mark" ), Mayhem sort quand à lui son premier mini-album, "Deathcrush", sur le label "Posercorpse Music" monté pour l'occasion par Euronymous. La première édition de "Deathcrush", en vinyle, est limitée à 1000 exemplaires, qui sont tous introuvables aujourd'hui. L'impact de cet album, relayé comme il se doit par le "Slayer Magazine" de Metalion, est énorme.

Leurs photos promos jouent sur le côté lugubre et mystérieux, on ne voit pas vraiment leurs visages, ils donnent peu d'interviews mais sont présents dans tous les articles des fanzines underground, et commencent à entretenir une sorte de mythe autour du groupe. Dans l'environnement calme et tranquille de la Norvège, Mayhem et son album font l'effet d'une vraie bombe et rallient tous les jeunes en besoin d'émotions fortes.

Les groupes de Death précédemment cités se trouvent alors une identité propre, et peuvent enfin se distinguer de leurs origines américaines en suivant la route tracée par Mayhem : ils abandonnent leur look "jogging-baskets" pour revêtir cuir, pointes et corpsepaint, et poussent leurs musique encore plus loin dans l'extrémisme et les thèmes satanistes. En 1988, Black Death change de nom et devient Darkthrone,  Tomas Haugen et Havard Ellefson fondent Thou Shalt Suffer et sortent  une démo ("Into The Woods Of Belial") puis un 45T ("Open The Mysteries Of Your Creation"), Per Yngve Ohlin (alias Dead) quitte Morbid pour rejoindre Mayhem en remplacement de Maniac. Quelques mois plus tard, Jan Axel Blomberg se renomme Hellhammer et rejoint Mayhem à la batterie en remplacement de Manheim.

Le Black Metal commence, doucement mais sûrement, à se détacher du Death Metal et se distinguer en tant que genre à part entière.

En 1990, Varg Vikernes abandonne Uruk-Hai  pour rejoindre Old Funeral où il rencontre Olve Eikemo, puis Harald Naevdal qui a remplacé Tore Bratseth à la guitare. 

Bathory, quant à lui, avec son nouvel album "Blood Fire Death", délaisse l'imagerie sataniste pour se tourner vers le passé guerrier de la Scandinavie et la mythologie Nordique. Là encore, Bathory aura été le précurseur d'une nouvelle vague de groupes qui se rallieront à ces thèmes, plutôt qu'au satanisme, quelques années plus tard (Varg Vikernes notamment).

Le Black Metal commence à s'étendre à toute l'Europe et tente même une percée (timide) aux États-Unis, avec la naissance en 1989 et 1990 de groupes comme Rotting Christ (Grèce), Samael (Suisse), Black Prophecies (Italie), Ancient Rites (Belgique), Necromentia (Grèce), Beherit (Finlande), ou Dolmen (USA) qui deviendra Absu par la suite.

1990 sera d'ailleurs à marquer d'une pierre blanche, car c'est le 26 novembre de cette année que Mayhem donne son unique concert enregistré par un label de disque. Ce concert à lieu à Leipzig, en Pologne, et cet album ("Live In Leipzig" réédité par AvantGarde Music, avec un son à la limite du bootleg) est donc aujourd'hui la seule chance "officielle" d'entendre la voix si particulière de Dead.

Pourquoi la seule chance ? Car en 1991, Dead est retrouvé mort dans sa maison, il s'est suicidé d'un coup de fusil en pleine tête. C'est Euronymous qui le retrouve, et, avant de prévenir la police, il prend des photos polaroïd de son cadavre ("pour les utiliser dans le prochain album de Mayhem" selon ses propres déclarations), et ramasse quelques morceaux de son crane et de sa cervelle pour les garder en souvenir... Les photos de Euronymous seront d'ailleurs utilisées pour le bootleg légendaire de leur concert de 1990 à Sarpsborg (sorti en 91 bien évidemment, après le suicide de Dead), dont la pochette montre Dead allongé sur son lit, le haut de la tête complètement détruit, la cervelle tombant sur l'oreiller, avec un couteau et un fusil à côté de lui...

Pendant un moment, des rumeurs courent sur l'éventualité d'un meurtre commis par Euronymous, mais au final il s'agira bien d'un suicide, Dead étant d'une personnalité très instable et fragile. Il avait pour habitude notamment de monter sur scène avec des têtes de cochon décapités empalées sur son pied de micro, ou de se mutiler sur scène avec des tessons de bouteilles jusqu'à saigner à la limite de l'évanouissement (habitude que Marilyn Manson reprendra quelques 10 années plus tard).

Le suicide de Dead va alors avoir d'énormes répercussion sur la scène émergeante du Black Metal.
Selon Euronymous, Dead s'est suicidé à cause de l'évolution de la scène Death et Black, devenue trop "à la mode", comme le Trash précédemment. Il critique violemment des groupes "commerciaux" comme Deicide, Sepultura ou Napalm Death, et décide qu'il faut faire une séparation entre les groupes de vrai Black Metal, et les "poseurs" qui ne respectent pas l'esprit réellement violent du Metal. Il se fixe alors comme but ni plus ni moins que de contrôler totalement tout le milieu underground Norvégien.

Pour ce faire, il décide de redévelopper son label de disque, qu'il renomme "Deathlike Silence Productions", et avec lequel il réédite le premier mini-album de Mayhem, "Deathcrush", et signe quelques groupes comme Merciless.

Il ouvre également son propre magasin de disques, "Helvete" ("Enfer" en Norvégien), une petite boutique au coin d'une petite rue d'Oslo, qui propose les oeuvres de Venom, Bathory, Celtic Frost ou évidemment Mayhem. Helvete sert aussi de point de rencontre à tous les amateurs de Black Metal en Norvège. Le lieu est sombre, petit, décoré comme une crypte sataniste, toutes les figures emblématiques du milieu underground Norvégien s'y retrouvent, et Helvete devient bientôt une vraie légende, tout comme Euronymous qui prend de plus en plus d'importance dans le milieu underground.
C'est aussi à travers cette boutique que Euronymous étendra son influence sur toute la scène Norvégienne, reproduisant en cela l'action qu'avait eu le premier album de Mayhem : Tomas Haugen et Havard Ellefson prennent alors comme pseudo satanistes Samoth et Ishsahn et transforment Thou Shalt Suffer en  Emperor, Varg Vikernes quitte Old Funeral pour monter Burzum (un autre terme emprunté à Tolkien, et qui signifie "ténèbres"), et Olve Eikemo et Harlad Naevdal dissolvent ce même Old Funeral pour créer Immortal, en prenant au passage leurs pseudo satanistes de rigueur (Abbath Doom Occulta pour la basse et le chant, et Demonaz Doom Occulta pour les guitares). Ils recrutent un batteur de studio et enregistrent leur premier EP, "Unholy Forces Of Evil".
Le combat contre la religion devient le thème prédominant d'Euronymous, de son label, de sa boutique, et des groupes qu'il influence.

Cette fois, plus de doute, le Black Metal n'a absolument plus rien à voir avec le Death de ses origines. Il possède maintenant ses propres groupes, ses propres fans, et son propre esprit.

Son esprit, Euronymous va justement le pousser un cran plus (trop ?) loin, en créant autour de sa boutique et de son label un cercle de groupes considérés comme véritablement mauvais, véritablement anti-chrétiens, véritablement Black Metal, en opposition aux "traîtres" qui jouent du Death Metal. Ce rassemblement, constitué à la base de groupes comme Mayhem, Darkthrone, Thorns, Immortal ou Emperor sera connu sous le nom de "Inner Black Circle", les représentants du "vrai" Black Metal. Ils commencent même à envisager des actions (menaces, intimidations, ...) contre les groupes ne faisant pas partie de l'Inner Circle. Glenn Benton, leader de Deicide, recevra des menaces de morts émanant d'un groupe nommé "Animal Militia", émanation Suédoise de l'Inner Circle.

C'est à ce moment également que Varg Vikernes traverse régulièrement la Norvège pour se rendre à Oslo, dans la boutique d'Euronymous, et tenter de faire admettre Burzum au sein de l'Inner Circle. La chose se fera rapidement, les deux hommes sympathisant très vite. Au contraire de Venom, Euronymous et Varg sont tous deux des satanistes convaincus, amateurs de "snuff-movies", de pornographie infantile, etc..
Ils vivent alors au sous-sol de la boutique Helvete, qui devient le lieu de rencontre de l'Inner Black Circle, où sont régulièrement hébergés les membres des autres groupes, comme Samoth ou Faust d'Emperor.

1991 toujours, les Français commencent à faire parler d'eux, en particulier un petit label du Pas-de-Calais nommé Osmose Productions qui sort le 1er album de Samael, "Worship Him". Osmose deviendra par la suite, et est toujours aujourd'hui, l'un des plus importants labels de Black Metal. Ils signent par exemple Immortal en 1992, qui sortent leur premier vrai album, "Diabolical Fullmoon Mysticism". 

Pendant ce temps, dans un coin perdu de l'Angleterre, Cradle Of Filth se forme, et sortent leur première démo, "Invoking The Unclean". Du pur Death Metal, à l'image de leur logo.

De leur côté, Ishsahn et Samoth recrutent Faust (alias Bard Eithun, qui publie à l'époque un petit fanzine nommé "Orcustus") et sortent le premier EP de Emperor, "Wrath Of The Tyran". D'un côté moins musical, Faust poignarde au cours d'une fête foraine un homosexuel qui avait eu le malheur de lui faire des avances, et dissimule le cadavre dans des buissons avoisinants.

En 1992 toujours, Vikernes sort le premier album de Burzum (intitulé sobrement "Burzum"), sur le label d'Euronymous, Deathlike Silence Productions. Un chef-d'oeuvre d'ambiance malsaines, froides, glauques et sombres. Varg, très ambitieux et charismatique, veut rattraper le temps perdu et devenir le challenger d'Euronymous au poste de "grand gourou" du Black Metal et de l'underground Norvégien.

Il décide alors de mener des actions d'éclats pour affirmer sa haine de la religion et son influence sur le milieu du Black Metal Norvégien. Le 6 Juin 1992, à 6 heures du matin, il part avec quelques complices de l'Inner Circle, et , munis de barils d'essence et de briquets, ils enflamment l'église de Fantoft, près de Bergen, qui brûle des fondations jusqu'au clocher. Il faut savoir qu'en Norvège, la plupart des églises sont d'anciens édifices, construits simplement en bois. Cette action "héroïque" se propage comme une traînée de poudre dans le milieu du Black Metal, et le 1er Août, c'est l'église de Revheim qui part en fumée, puis celle d'Holmenkollen deux semaines après, puis le 1er Septembre c'est au tour de celle d'Ormoya, et ainsi de suite durant des mois et des mois. Un pompier sera même tué en essayant de combattre les flammes qui détruisaient l'église de Sarpsborg. 

Mais Vikernes veut trop bien faire pour sa renommée, et il va jusqu'à donner une interview à un journaliste du Bergens Tidende (un quotidien local) en Janvier 1993, dans laquelle il se vante de connaître les auteurs des incendies d'église. Évidemment, la police ne tarde pas à retrouver sa trace (d'autant que les flyers pour son premier album présentaient des photos d'églises incendiées), et le met en garde à vue pour lui faire subir un interrogatoire en règle. Il sera toutefois relâché au mois de Mars, pour manque de preuves.

Au mois de Mars, justement, Vikernes et Euronymous donnent ensemble une interview au magazine anglais "Kerrang!", dans laquelle ils expliquent ouvertement les activités de l'Inner Circle, et se définissent même comme faisant partie d'une organisation nommée "Satanic Terrorists". Évidemment, ils disent ne pas participer à toutes ces actions mais seulement en être tenu au courant. Les activités les moins reluisantes du Black Metal commencent alors à être connues de toute l'Europe, et Euronymous est obligé de fermer sa boutique Helvete.

Il se reconcentre alors sur son projet musical, et recrute le chanteur Stian Occultus, puis le remplace par Attila (débauché du groupe Tormentor) pour assurer les parties vocales au sein de Mayhem à la place de Dead. Ils commencent alors les enregistrements du premier "full-lenght" album de Mayhem, "De Mysteriis Dom Sathanas", avec Varg Vikerness à la basse.

Et c'est au mois d'Août que les problèmes sérieux commencent...
Le matin du 11 Août 1993, Euronymous est retrouvé mort dans l'escalier de son immeuble, le corps transpercé de 23 coups de couteaux... Les soupçons se portent d'abord sur le milieu du Black Metal Suédois, grands rivaux des Norvégiens, mais après quatre jours d'enquête un peu plus poussée et surtout quelques dénonciations, la police arrête finalement Varg Vikernes et son complice Snorre (du groupe Thorn) le 17 Août.

Les raisons de ce meurtre restent encore assez inexpliquées. Les relations entre Vikerness et Euronymous s'étaient détériorées depuis quelque temps, Euronymous devait de l'argent à Vikernes suite à la sortie des albums de Burzum, et Vikernes supportait sans doute mal que son collègue soit considéré comme le maître à penser de la scène Black à sa place. Varg enviait aussi Faust car il avait tué un homme, ce qui n'était pas (encore) son cas. Toujours est-il que, dans la nuit du 10 Août, il se rend chez Euronymous, sonne à son interphone, Euronymous lui ouvre la porte de son appartement en caleçon, et Vikernes lui donne un coup de couteau dans la poitrine. Euronymous, affolé, tente de s'enfuir, appelle à l'aide, sonne aux portes de ses voisins, mais Vikernes le poursuit sans relâche et le poignarde de nombreuses fois dans le dos jusqu'à ce qu'il s'effondre, mort, dans les escaliers de son immeuble.

En 1994, à l'issue de son procès, Vikerness est condamné à 21 ans de prison pour meurtre avec préméditation, Snorre à 8 ans, et Faust, dont on retrouve la trace pour l'assassinat de l'homosexuel, passera 14 ans derrière les barreaux. C'est alors la débâcle dans le milieu du Black Metal, l'existence de l'Inner Circle est exposée au grand jour, et Samoth sera également condamné à 2 ans de prison pour les incendies d'églises.

Vikernes n'a jamais montré le moindre remords pour le meurtre d'Euronymous, bien au contraire, l'accusant d'être un communiste, un homosexuel, et pire que tout, un "poseur" qui avait construit autour de lui une image qui ne le représentait pas réellement. Le milieu du Black se scinde alors en deux : les "pro-Grishnach", qui considèrent qu'effectivement Euronymous n'était pas un "vrai" anti-chrétien maléfique et méritait donc de mourir, et les "pro-Euronymous" qui attendent toujours la sortie de prison de Varg pour lui faire payer son crime...

Pour rendre hommage à Euronymous, Attila et Necrobutcher terminent et sortent "De Mysteriis Dom Sathanas", alors que Misanthropy, le label de Vikerness, continue à sortir des enregistrements de Burzum réalisés avant son emprisonnement, comme "Det Som En Gang" ou "Hvis Lyset Tar Oss".

Vikernes qui, depuis sa prison, se détache progressivement  des idées satanistes pour se rallier à la cause d'Odin, le Dieu Nordique anti-chrétien. Il ira même très loin dans ces idées, puisqu'il rejoindra les philosophies racistes et nazis des Skinheads (les dernières photos de Varg en prison le montrent le crane rasé, portant une boucle de ceinture au logo des SS).

Il écrit un recueil de pensées, "Vargsmal", dans lequel il explique sa vision "odiniste" du monde, et son admiration pour Staline et Hitler. Les connections entre le Black Metal et l'Extrême Droite nazie sont d'ailleurs bien plus nombreuses qu'il n'y paraît, mais une telle étude sortirait du cadre de cet historique. Ces aspects sont très bien détaillés notamment dans le livre "Lords Of Chaos" de Michael Moynihan et Didrik Soderlind, sorti en 1998.

Pendant ce temps, en 1994, Immortal, dont les membres se sont écartés assez vite de ces agissements, sort chez Osmose "Pure Holocaust", qui commence à les faire reconnaître comme l'un des plus grands groupes de Black Metal. Pour la première fois, une tournée de Black Metal est organisée dans toute l'Europe par Osmose Productions, avec comme affiche Immortal et Rotting Christ.

Cradle Of Filth, après une autre démo très Death ("Total Fucking Darkness"), prend une direction beaucoup plus Black et sort en 1994 son premier EP "The Principle Of Evil Made Flesh".

Darkthrone, quand à eux, sortent "Transylvanian Hunger" et s'entourent d'une énorme polémique suite au communiqué de presse qui accompagne la sortie de l'album. Dans ce communiqué, Fenriz explique que les gens qui n'aimeraient pas cet album ne peuvent être que des imbéciles ou des Juifs. Au dos de la pochette de "Transylvanian Hunger" figure également la mention "Norsk Arisk Black Metal", ce qui signifie "Black Metal Norvégien et Aryen"... Fenriz déclare lors d'une interview à un journal être ouvertement un fasciste, et s'insurge contre la notion de pensée individuelle. Le label de Darkthrone, Peaceville Records, réagit en publiant immédiatement un autre communiqué de presse dans lequel ils s'excusent de l'attitude du groupe, expriment leur désaccord avec leurs idées, mais mentionnent la liberté d'expression comme motif de la sortie de l'album. Fenriz reviendra plus tard sur ses déclarations et tentera un début d'excuse en expliquant que, en Norvégien, "Juif" est le mot d'argot qui désigne les "idiots"...

1995 voit la naissance de Dimmu Borgir, qui sort son premier album "For All Tid", encore chanté en Norvégien. Parallèlement, Old Man's Child se forme avec certains membres de Dimmu Borgir (le batteur Tjodalv notamment) et sort sa première démo, "In The Shades Of Life".

En 1996, Samoth a purgé sa peine de prison, et reforme donc Emperor, qui sort un mini-EP de 3 titres, "Reverence".
Cette réapparition redonne un second souffle à la scène Black Metal : De nouveaux groupes tels que Dark Funeral, Setherial ou Demonic apparaissent un peu partout en Europe, ainsi que de nombreux labels spécialisés dans le Black tels que Napalm Records, No Fashion, AvantGarde, etc...  Dimmu Borgir sort son deuxième album, "Stormblast", qui devient un énorme succès, tout comme "Heaven Shall Burn When We Are Gathered" de Marduk.

Mayhem se débarasse d'Attila et retrouve son premier chanteur, Maniac, et part en tournée en 1997 pour enregistrer un album live. Au même moment, Immortal vend plus de 40 000 copies de son nouvel album "Blizzard Beasts", mais Demonaz, blessé aux tendons du bras, se voit contraint de quitter sa place de guitariste pour occuper celle de manager du groupe. Emperor sort aussi un nouvel album, "Anthems To The Welkins At Dusk" , ainsi que Cradle Of Filth, qui démocratise le genre avec "Dusk And Her Embrace" qui se vend à plus de 100 000 exemplaires. Du jamais vu pour un groupe de Black ! Dimmu Borgir les suit de près avec 80 000 copies de "Enthrone Darkness Triomphant". 

En 1998, alors que Marduk sort "Nightwing", énorme carton aussi, le Black Metal n'a plus grand-chose d'un courant underground. Des groupes comme Emperor ou Dimmu Borgir se retrouvent régulièrement en tête d'affiche de grands festivals comme le Dynamo Open Air, Cradle Of Filth  joue en 1999 à guichets fermés à l'Elysée Montartre de Paris ou l'Astoria de Londres, Kovenant introduit des éléments synthétiques et électroniques dans son Black Metal, etc...

A la veille de l'an 2000, on pouvait alors se demander quel avenir allait être réservé au Black Metal.
Une démocratisation et une reconnaissance publique encore plus poussées, au grand dam des aficionados de la première heure, ou au contraire un repli vers l'underground pour préserver les valeurs de base, au grand dam cette fois des labels et des groupes les plus populaires, qui peuvent pour la première fois avoir une plate-forme d'expression leur permettant de faire passer leur message au plus grand nombre ?

A vous de juger...

 

- Graz'zt - 1999 -